• 75%

    L’annonce de F. Hollande de son désormais fameux 75% à atteint son but même si les contre-annonces, critiques, criailleries et dans ce fatras, un nuage de mots de journalistes plus et plutôt moins avertis brouille un peu trop le message et le contenu.

    S’il a surpris, il n’a pas tellement innové. A des moments de crise, lorsque la solidarité nationale ne peut pas être un simple mot-joker pour les discours, la question de l’augmentation de la tranche supérieure de l’impôt a toujours reçu la même réponse, maintenue pendant des périodes plus ou moins longues. Les Etats Unis, en haut du podium, sont arrivés à 91%, l’Angleterre à 83% et même en France, nos aïeux ont eu des moments de 80%.

    Et oui, taxer les plus nombreux, ce qu’il faut traduire par les plus pauvres, a des limites et même dissimulée sous des noms de fleur, dévoile vite l’injustice qui met à l’abri de l’effort ceux qui en ont le moins besoin.

    La première et peut-être la plus importante raison d’une telle taxation est celle-là : Lorsqu’on est riche, lorsqu’on perçoit des rémunérations sans commune mesure avec la moyenne des rémunérations nationales, fait-on partie de la Nation ou non ? Et si oui, on se doit de participer aux efforts à prorata de ses moyens, en particulier dans les moments difficiles.

    Ce fameux 75% concernera-t-il beaucoup de monde ? Apportera-t-il beaucoup d’argent aux caisses de l’Etat ? La réponse dans les deux cas est non. D’après le Parti Socialiste lui-même, seraient concernées quelques 3.000 à 3.500 personnes et son rendement serait de l’ordre de 200 à 300 millions d’Euros par an.

    Pas de quoi fouetter un chat. Alors, pourquoi tant de bruit ?

    Pour ceux qui attendent de François Hollande un véritable changement, d’autres raisons sont en jeu :

    -On ne gouverne pas mettant sous le dais ses amis en laissant les autres sous la grêle. Face à une difficulté, ce qui caractérise une Nation au-delà d’un simple agrégat de personnes portant par hasard les mêmes traces de terre sous leurs semelles est que ses membres font face aux problèmes ensemble. Et en premier lieu ceux qui, par leurs moyens, sont les plus à même de faire face aux difficultés.

    -Seul l’exemple peut permettre d’entrainer un pays tout entier à s’unir face aux difficultés, plutôt que de tenter, chacun dans son coin, de tirer son épine du pied seul, sans se soucier des autres. Et on n’a pas besoin de guerre pour cela, la simple lutte pour la justice, pour l’éradication des fléaux que sont le chômage de masse, les inégalités de plus en plus nombreuses et de plus en plus criardes sont des motifs suffisants pour se mobiliser ensemble.

    -Le but de la proposition n’est pas de fustiger qui que ce soit, mais de stopper une dérive néfaste des pratiques gestionnaires de l’économie et du développement industriel et entrepreneurial.

    Ce choix se rapproche plus du projet de réduire la rémunération du futur président et des ministres que d’une option fiscale fondamentale. C’est un choix avant tout éthique. François Hollande a peut-être lu Amartya Sen, prix Nobel d’économie 1998 qui défend l’idée que « l’économie est une science morale » (titre d’un recueil publié par La Découverte en 1999)

    Oui, il ne suffit pas de se dire « proche du peuple » pour l’être. Il faut aussi être capable de sentir les mêmes choses que lui.

    Mais cette mesure seule, quelle que soit sa vertu morale et incitative ne suffit pas. Elle devra s’insérer dans une reconstruction totale de la fiscalité qui doit créer des bases nouvelles de distribution de richesses, sans chercher à « niveler par le bas » comme c’est actuellement le cas pour la masse de laissés pour compte (chômeurs, précaires, sans domicile digne de ce nom, payés avec des salaires qui n’assurent même pas les besoins les plus élémentaires : ça en fait du monde « égalisé » économiquement en bas de la pyramide !).

    Reconnaitre le mérite, accepter des écarts de rémunération, personne ne s’y oppose. Mais faire payer ceux qui ne sont pour rien ni dans l’origine, ni dans le développement, ni dans les conséquences de la crise pendant que d’autres profitent de leur position avantageuse pour accroitre encore plus les extrêmes des inégalités, il faut bien à un moment dire : ce n’est pas acceptable.

    Oui, Amartya Sen a raison de le rappeler : l’économie est une science morale. La politique doit l’être aussi.

     

     

     


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