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    Dimanche 22 janvier François Hollande a réussi son entrée en lice. Le pays plonge enfin pour les trois mois à venir dans une vraie campagne politique présidentielle, dans un cadre novateur et surprenant.

    A ce jour, les candidatures de « témoignage » sans perspective politique réelle, comme celles de Mélenchon ou d’Eva Joli -à fortiori celles qui sont resté collées au goudron- ne semblent pas avoir la moindre chance de changer de catégorie. Nous avons donc quatre candidats qui peuvent être classés en deux groupes :

    -Les candidats dits « normaux » en fait François Hollande et…François Bayrou. Classiquement un candidat de gauche et un candidat de « droite-quoi-que-l’on-dise »

    -Les candidats « épouvantails » Nicolas Sarkozy et, bien sûr, Marine Le Pen, deux candidatures différentes malgré les passerelles idéologiques établies entre un bon nombre de leurs soutiens et suiveurs.

    Si les ténors politiques qui alimentent les médias et les médias eux-mêmes cessent de naviguer à la hauteur du caniveau et parlent des choses sérieuses ; Si par une sorte de résurrection démocratique les dits ténors et les médias cessent de prendre les citoyens pour des débiles mentaux, incapables de comprendre les enjeux du moment ; Si plutôt que de chercher à les attirer comme font à Pigalle les rabatteurs des spectacles « crus » ils passent de la « manipulocratie » à la démocratie et la parole sincère, on peut avoir une magnifique campagne politique, posant clairement les défis, énormes, qui nous attendent et les options des uns et des autres pour y répondre.

    Personnellement, je laisse de côté Marine Le Pen. Elle a eu le courage il y a quelques jours, de « dévoiler » tout ou partie de son programme. On n’a pas découvert grand-chose de nouveau, même si la forme est en apparence plus policée que celle de son papa. Mais ce programme est délirant. Economiquement, des affirmations sans fondement prétendent changer le signe du coût des principales actions envisagées -sortir de l’euro, « sortir » les étrangers- qui par un miracle feraient entrer dans les caisses de l’Etat des sommes extraordinaires qui prendraient dans la réalité plutôt le sens contraire, plongeant le pays dans un fossé économique à côté duquel celui où est tombé la Grèce ne serait qu’un doux purgatoire. Si la méthode Coué était efficace on serait sortis de la crise depuis trois ans déjà !

    Et que dire du côté « humaniste » Du dogmatisme d’extrême droite en fin de compte très classique : faute d’avoir des propositions applicables et dignes d’apporter ne serait-ce qu’un début de solution aux problèmes du pays, on part tête baissée dans l’absurde « c’est la faute aux étrangers » en tête desquels, bien entendu, ceux d’Afrique, dans toute la largeur de cet immense réservoir d’ennemis de notre pauvre Patrie !

    C’est donc une parfaite composante de la catégorie « épouvantail » mais si peu crédible dans ses propos qu’elle donne la même impression que les épouvantails avec le vieux chapeau du fermier que l’on pose dans les champs pour que les oiseaux puissent se reposer…

    Sarkozy : malheureusement pour lui, il n’a à proposer que son bilan.

    Etonnant comment la droite française, conservatrice à l’extrême, s’est laissé captiver depuis 10 ans par ce battant, d’une mobilité sur le terrain hors pair, bienvenu s’il s’agissait de campagnes militaires, surtout à l’ancienne, et qui est, de tous les leaders suivis par cette fraction de la Nation depuis la dernière guerre, le moins enraciné dans la culture, la tradition, la lignée historique française.

    Il a encore pour lui son « camp » bien qu’il rétrécisse chaque jour un peu plus ; Il semble de plus en plus condamné à n’être que le héraut de l’oligarchie économique nationale du moment, amitié, par construction, toujours fragile, oligarchie qu’il croit pouvoir arrimer au petit bateau côtier de l’extrême droite.

    Peu ancré, donc dans la culture et la tradition nationale, cet homme qui n’a cessé de regarder ailleurs pour s’inspirer -du Bush de ses premières vacances « présidentielles » en août 2007 à Wolfeboro à la Merkel de Berlin qui tient dans ses mains le sésame économique de l’UE dans sa forme actuelle, en passant par le « retour » à l’OTAN- il est, sous la tunique de réformateur qu’il affectionne, celui qui a le plus durement mis à mal le système social français tout en voulant garder un appui populaire sans lequel il n’y a pas de durée politique garantie. Or, ce système social, depuis un moment mal en point et fortement affecté par la crise économique ne peut être réformé avec comme seul socle de réflexion le constat comptable de son état, aussi grave soit-il.

    Homme pressé, n’accordant ni valeur ni crédit à la réflexion partagée, forcément lente, il utilise la hache là où même le meilleur bistouri serait d’un usage délicat, surtout avec un malade couché de force sur la table d’opération, sans préparation d’aucune sorte, sans médication d’accompagnement et bien entendu, sans écouter ni même demander son avis.

    Il est donc enfermé dans un discours qui affirme vouloir continuer dans la même ligne suivie depuis 2007 car il n’en a pas d’autre à sa disposition et il est de toutes façons trop tard pour en envisager une autre et un bilan plus que médiocre, que l’excuse de la crise, bien réelle, ne permet tout de même pas d’édulcorer beaucoup.

    Les deux candidats « normaux » -que François Hollande me pardonne l’extension du qualificatif qu’il s’est finement appliqué à lui-même, à l’autre François- le sont en ce sens qu’ils s’inscrivent au plus profond dans le cadre culturel et historique du pays. Non qu’ils manquent de « modernité » comme le voudraient les flèches décochées par le camp adverse, mais parce que leur modernité n’est pas construite à partir de données prises ailleurs, mais en revisitant et tentant d’ajuster aux réalités du moment, l’expérience et donc l’histoire de cette « petite » Nation ; la seule base solide pour repartir d’un bon pied lorsqu’il s’agit de la France.

    François Bayrou (ministre de l’Education Nationale d’E. Balladur puis en 1995 d’Alain Juppé, avec un portefeuille changeant jusqu’à la dissolution Chirac de 1997), depuis qu’il dit s’être désarrimé du bateau de la droite, tente d’accréditer la possibilité d’une position « centriste » qui n’a pas un véritable programme propre, si ce n’est de ne pas être « les autres » Il est courageux, car, partant de la droite, cela lui a couté la presque totalité de ses soutiens politiques sans pour autant avoir trouvé de nouveaux, tant son « centrisme » est mystérieux à force d’être vide de contenu propre.

    Il n’a à proposer que son sérieux, sa force de caractère et…une indestructible confiance en lui-même. Pour autant, les circonstances n’aidant pas et l’absence de programme visible, original et lisible faisant un homme presque seul, sans appuis, il tente de conjurer cette situation en la masquant avec sa litanie « ni de droite ni de gauche » et ses appels à une miraculeuse Union Nationale, sauce qui, faute d’un ennemi armé aux frontières, prends toujours difficilement.

    Que fera-t-il dans les trois mois à venir ? Quoi qu’il en dise, son cœur politique est à un centre-droit mâtiné d’attachement sincère au pays profond, incarné dans son Béarn natal, à sa culture, profondément française et peut-être à un reste de tradition sociale catholique qui a eu ses heures fleurissantes dans les années de sa jeuneuse, lorsque un Pape comme Jean XXIII faisait honneur à cette chapelle.

    Or, un homme politique n’a d’existence réelle que s’il trouve un « espace politique » dans lequel s’insérer. La coupure de plus en plus nette de Nicolas Sarkozy avec le Pays Français peut lui offrir un terrain de manœuvre pas évident, pas simple, mais qu’il peut tenter d’occuper en restant un homme de droite avec une tradition humaniste réelle…et servant éventuellement de port de refuge à la droite en cas de dégringolade profonde de la candidature Sarkozy.

    Et il aurait un peu plus de densité qu’il n’en a actuellement.

    Le jouera-t-il ouvertement ? Impossible de le savoir actuellement, mais il ne serait pas prudent d’écarter totalement cette hypothèse, qui en ferait le véritable opposant de droite à François Hollande.

    Alors François Hollande reste le seul candidat de gauche avec de réelles probabilités d’être le prochain Président de la République.

    Son entrée en lice réussie aura au moins servi pour casser l’absurde campagne de déconsidération de sa personne que d’aucuns se sont abaissé à mener. C’est une bonne chose pour lui et c’est une bonne chose pour le pays, qui peut encore éviter de livrer une campagne où les insultes et les facilités bas de gamme à l’américaine remplacent les arguments politiques.

    Maintenant, tout le travail reste à faire. Les lignes de programme esquissées au Bourget ne sont pas négligeables pour situer, façon GPS, le positionnement du candidat. De ce point de vue elles devraient être plus utiles à une gauche quelque peu forcenée qui prend ses désirs pour la réalité politique du pays.

    Mais ce n’est pas encore un programme de gouvernement, programme qui ne sera dévoilé qu’à partir de jeudi prochain puis détaillé par la suite.

    Dès à présent et sans enlever la moindre force au combat politique, il faut affirmer un certain nombre de points :

    -Le prochain Président de la République sera sérieusement entravé par l’état économique du pays. Et ses premiers pas seront, à ne pas en douter, destinés à connaître et, espérons-le, rendre publique, la réalité de cette situation.

    -S’il est impératif qu’un Président ait un programme pour sa mandature, rien ne pourra être fait sans une hiérarchisation des priorités qui tienne compte des possibilités réelles.

    -Il est à espérer que ceux qui ont critiqué une supposée incontinence économique de F. Hollande, aient le bon sens, s’il est élu, de ne pas lui critiquer de tenir compte de la réalité de la situation qu’il hérite pour hiérarchiser ses choix et les étaler dans le temps de sa mandature

    -De même, il est à espérer de tous ceux qui aujourd’hui et pendant cette campagne le soutiendront, auront à cœur d’être conscients que remettre le pays dans le sens de son histoire telle que la gauche la comprends, rendre une solvabilité au « modèle social » qui autrement continuerait à se déliter, demande du temps et des sacrifices.

    -Enfin, la crise ne passera pas comme une brise de mer, rafraichissant le paysage sans rien changer au décor. Nicolas Sarkozy a beaucoup cassé et peu construit et la crise n’a fait qu’agrandir son œuvre de démolition, en particulier par son entêtement à ne pas changer sa ligne économique et politique malgré la réalité devenue tout autre que celle qui régnait lors de sa campagne de 2007. Il y a un pays à reconstruire pour lui-même et ceux qui l’habitent ; il y a un positionnement de la France dans le Monde à redéfinir sans flagellation ni rêves de grandeur incongrus et sur la base, cela parait idiot de le rappeler, tellement cela devrait être évident, du monde « tel qu’il est » et non pas tel qu’il était hier ou avant-hier…ou dans les délires nocturnes de tel ou tel ; il y a un projet Européen à défendre et revigorer tout en travaillant pour corriger les nombreuses erreurs de construction et d’orientation de l’Union Européenne qui expliquent ses difficultés actuelles et l’inexistence, après un demi-siècle de vie commune d’un « peuple européen »

    Du gâteau !

    Mais il n’y a que ça à manger.

     


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