• Moderniser ou copier?

    Mise en musique à la Grosse Caisse de l’intervention du chef de l’Etat dimanche 29 janvier 2012 pour un résultat finalement de faible épaisseur !

    -Parce que les annonces faites étaient déjà connues et que, au terme d’une mandature, même si le message subliminal était : « je pourrais bien être là encore cinq ans » elles ne changent rien à la situation actuelle et encore moins à la part de responsabilité de l’équipe sortante, non dans la crise, mais dans sa gestion inefficace sur tant de points et injuste au regard de la part majoritaire de la population nationale. Et ce depuis le début de la mandature.

    On peut d’ailleurs se demander si les mesures annoncées peuvent aider à aller vers une « sortie de crise » pour tout le monde ou plus simplement donner un petit coup de pouce supplémentaire à l’oligarchie économique et à elle seule, pour l’éloigner quelque peu de la zone à risques.

    -Parce qu’elles ont une très forte tonalité de message de candidature, bien que présentées autrement, comme le contenu des messages délivrés par le chef de l’Etat lors des très nombreux déplacements de ces dernières semaines, déplacements dont les coûts n’entrent pas dans les comptes de campagne d’un candidat, puisque à ce jour, ce candidat n’existe pas, il n’est, comme disent les journalistes que « candidat présumé » non matérialisé, non comptabilisé, non contrôlé en tant que tel…

    Depuis longtemps on se doutait que M. Le Président devait souffrir d’un blocage alternatif des muscles du cou, qui l’oblige à fixer son regard tantôt d’un côté, tantôt de l’autre. Au début de son mandat, on en a déjà parlé, c’est vers l’ouest, sur le sol US que se portait sa vue. Pour atteindre à l’objectif d’une France de propriétaires, annoncé pendant la campagne, il songeait à mettre en place en France la version Coq Gaulois des fameux subprimes américains (pourtant, les délires de cette histoire avaient commencé à être connus avant même son élection. Mais ses conseillers économiques devaient être en vacances ou aphones).

    L’explosion des acteurs les plus « mouillés » dans l’histoire subprimes (sauf les agences de notation qui, non seulement n’ont rien vu, mais ont aussi accordé la meilleure note à ceux qui trafiquaient avec cette martingale et n’ont toujours pas payé leur larcin) a aggravé la crise et, un bien pour un mal, pour une fois, l’histoire de subprimes à la française est tombée, heureusement, dans le sac bien rempli de paroles verbales sans suite.

    Maintenant son regard se porte vers l’Est et c’est en Allemagne que son œil est resté fixé, ne tarissant pas d’éloges sur les vertus de ce pays, notamment de sa gestion économique et de son modèle social.

    Et ne pouvant pas résister à la tentation de s’appuyer sur un dit socialiste, fusse-t-il allemand, pour donner de l’épaisseur à ses propos, il cite les reformes mises en place par Gérard Schroeder, notamment les réformes du marché du travail dites réformes Hartz.

    Ses conseillers économiques, censés connaître un peu plus finement la réalité économique que lui étant toujours aphones -ou non écoutés- il nous faut à notre tour porter nos regards dans le même sens que le Président.

    La réalité allemande, l’affaire Hartz aidant, malgré sa force économique, bat aussi la France et bien d’autres pays européens par son taux de pauvreté (exprimé en % des ménages vivant sous le seuil de pauvreté) Comme le confirme Eurostat, la version européenne de l’INSEE, le taux de pauvreté de l’Allemagne tourne autour de 14%-15% face à 13% pour la France, 12% pour le Danemark, la Suède ou l’Autriche et, le maillot jaune, la Hollande (c’est une coïncidence, n’y voyez pas de mauvais esprit de ma part) avec 11%

    Même le gauchiste Figaro se fait écho du problème, en publiant fin 2011 un texte à partir des communiqués de l’AFP indiquant que « la croissance (allemande) n’a pas d’effet sur la pauvreté »

    L’OIT de son côté accuse sans détour « la politique de compétitivité allemande par les salaires » (notamment les reformes Hartz imposées par M Schroeder) d’être « la cause structurelle » de la crise en zone euro.

    Pierre Larrouturou complète ce tableau peu idyllique en mentionnant quelques « perles » :

    -« La durée moyenne du travail en Allemagne, tous emplois confondus, est tombé (entre 2000 et 2010) de 31,55 heures par semaine à 30,05, en raison de la multiplication de travail à temps partiel, parfois extrêmement court »

    -« Les données de l’OCDE montrent que, en dix ans (toujours de 2000 à 2010), alors que la France créait 2 millions d’emplois à temps plein, l’Allemagne créait 2 millions d’emplois à temps partiel. Et des petits temps partiels »

    -Une étude publiée par le DIW montre la gravité du recul social imposé aux salariés allemand depuis 10 ans .Le 1er décile (les 10 % « d’en bas ») ne gagnent que 259 euros par mois… « Les 10 % d’au-dessus gagnent seulement 614 euros par mois »

    « …ce recul ne concerne pas que « les plus pauvres »… « mais une immense majorité de la population : le DIW montre que « 80 % des actifs ont perdu du pouvoir d’achat entre 2000 et 2010 »

    Et Pierre Larrouturou d’en tirer quelques conclusions :

    -Il y a plein de choses bien, mais ce que veulent absolument nous vendre une bonne partie de nos dirigeants, c’est ce qu’il y a de pire en Allemagne : la réforme du marché du travail votée en 2004.

    -L’Allemagne n’a maintenu sa croissance que grâce à ses exportations vers l’Italie, la France ou l’Espagne qui continuaient à distribuer normalement du pouvoir d’achat. Si tous les pays d’Europe avaient fait comme l’Allemagne, nous serions tous en récession.

    J’ajoute (source : l’Office Fédéral de statistiques allemand) pour bien illustrer cette question que l’Allemagne doit 56% de son excédent commercial à son commerce avec la zone Euro ; 24% à son commerce avec les autres pays de l’Union Européenne. Si comme nous le propose Mme Merkel et maintenant M. Sarkozy, on appliquait chez nous (et dans toute la zone Euro) un programme qui aurait pour vertu de tuer la demande (faute de moyens, voyez la Grèce) l’excédent commercial allemand tomberait dans les oubliettes. Et sa « santé financière » itou. Parce que cette santé financière n’a été possible que, bien entendu, grâce en très bonne partie aux vertus industrielles allemandes, qui ne datent pas d’hier et que nous -et bien d’autres- n’avons pas su égaler, mais encore plus à nos défaillances, notre esprit « Cigales » ou « Club Med » comme nous nomment aimablement quelques éditorialistes et autres CDU de l’autre côté du Rhin, obligés que nous sommes, pour compenser notre écart entre productions nationales et consommations nationales, de « fabriquer » par nos achats l’essentiel de l’excédent  du commerce extérieur allemand, source de sa prospérité.

    Tout cela étant dit, pour avoir un espoir de sortir notre pays de la crise sans affamer en chemin le « peuple » il faut donc moderniser aussi bien notre gestion de l’Etat, notre structure productive et le fonctionnement de notre protection sociale. Et il faut le faire main dans la main avec toutes les parties intéressées, notamment les syndicats.

    Il faut le faire travaillant en profondeur sur nos propres réalités nationales et non en copiant, qui plus est, des mauvaises formules.

    Les propositions faites dimanche 29 juin n’empruntent pas le premier chemin, mais au contraire, nous mèneraient, si elles étaient appliquées, à être un « sous-produit » des conception économiques et politiques de la CDU allemande avec tout ce qu’elle a d’antisocial sans nous apporter en contrepartie la moindre miette des facteurs de la (relative) bonne santé financière allemande, dont les racines sont loin dans son histoire, dans sa structure industrielle et économique qui ne sont pas transposables en France par un coup de baguette magique, un discours télévisé et la méthode Coué du peuple des « d’adjoints » répétant comme l’écho les « éléments de langage » exfiltrés par quelques communicants en mal d’inventivité.

    Voir le blog de Pierre Larrouturou: ici 

     


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